LES COLLECTIONS BÂTONNIER DELAUNEY - LIVRES ET ORFÈVRERIE

Les 23, 24 et 25 octobre prochains les collections de Maître Jean-Claude Delauney, avocat honoraire et ancien Bâtonnier de Caen, seront proposées aux enchères par Beaussant Lefèvre à Drouot. 

Parmi les nombreux ensembles initiés par Louis Deglatigny (1890-1935) puis conservés et augmentés par les générations qui lui ont succédé, nous souhaitons vous présenter aujourd’hui la collection de livres illustrés et celle d’orfèvrerie chères au collectionneur qu’est Maître Jean-Claude Delauney. 

Elaborées avec une attention particulière à la qualité, la rareté et l’intérêt intrinsèque des œuvres ces deux collections témoignent parfaitement de la volonté de notre esthète collectionneur de réunir des corpus cohérents et apportant un éclairage sur le travail des artistes. Ainsi vous découvrirez comme fil conducteur de la collection de livres illustrés le lien si particulier entre les auteurs et les illustrateurs offrant aux amateurs des ouvrages d’une grande richesse et en ce qui concerne l’orfèvrerie des pièces d’une rareté exceptionnelle tant par leur datation que par leur provenance géographique. 

Venez découvrir, au travers des mots de Maître Delauney lui-même, la passionnante histoire de ces collections et des œuvres qui sont aujourd’hui vouées à rencontrer d’autres passionnés. 

COLLECTION DE LIVRES ILLUSTÉS

Pendant plus de soixante années maintenant, l’une de mes plus constantes passions de collectionneur et amateur aura été la bibliophilie, en évitant les écueils de la bibliomanie et les sirènes de la bibliolâtrie.

Après m’être intéressé quelques décennies surtout aux incunables et post-incunables normands, aux rarissimes éditions originales des toutes premières œuvres de Corneille, ainsi qu’aux manuscrits, épreuves corrigées et exemplaires de choix de nombre de mes écrivains préférés, de Barbey d’Aurevilly  et Gourmont en passant par Flaubert, Maupassant, Zola, jusqu’à Régnier, Montesquiou et Mirbeau, entre autres.  L’essentiel de ma quête s’est finalement portée, n’en déplaise au dieu Flaubert, qui en détestait « foutrement et furieusement » le genre, « Ô illustration, invention moderne faite pour déshonorer toute littérature ! », (15 février 1880 ,lettre à l’éditeur Charpentier) vers le livre illustré et des plus talentueux de ses praticiens, de la fin du XIXe siècle à la première moitié du XXe siècle, principalement T.A. Steinlen, Lepère et Jouas.

En recherchant surtout les ouvrages pour lesquels l’artiste a œuvré, non seulement en accord, mais en totale harmonie, avec l’auteur du texte : ainsi de Steinlen pour le « Crainquebille » d’Anatole France et le « Barabbas » de Descaves, de Jouas pour « La Cathédrale » de Huysmans ou le « Valognes » de Sedeyn et le « Rouen » de Dubosc, de Lepère pour notamment les « Foires et Marchés normands » de Lhopital. Des lettres manuscrites échangées entre l’auteur, l’artiste et l’éditeur, jointes, souvent par mes soins, à plusieurs de mes exemplaires, témoignent de cette symbiose d’esprit dans la confection du livre.


Quant à dire pourquoi j’ai entrepris de constituer de petits ou grands ensembles de ces artistes, comportant tout ou forte partie des dessins originaux ayant servi à l’illustration, avec le livre imprimé, c’est que je considère que le trait, voire la couleur, de mes grands illustrateurs préférés, honorent cette littérature dont on me dit féru.
FRANCE (A.).
L’Affaire Crainquebille. Paris, Édouard Pelletan, Éditeur, 1901, grand in-4°, maroquin chocolat, sur le premier plat un cuir incisé de Steinlen enchâssé, dos à nerf, titre et nom de l’auteur poussés à froid, doublure de maroquin rouge avec jeu de listels de maroquin chocolat en encadrement, gardes de soie moirée noire, couverture et dos, tranches dorées sur témoins, chemise et étui gainés de maroquin chocolat (M. Lortic – [Steinlen]). 
ÉDITION ORIGINALE de cette nouvelle d’Anatole France (1844-1924), dans laquelle il critique l’institution judiciaire de l’époque, aveugle et inhumaine. 
Le plus réussi des livres illustrés par Steinlen (1859-1923). 
63 compositions originales en noir du peintre, dont 6 hors-texte, gravées sur bois par Deloche, Froment, Gusman, Perrichon… 
Estimation : 15 000 / 20 000 € 

Fiche détaillée
Et à dire vrai, avec ou sans belles-lettres, j’aurais collectionné au premier chef les dessins d’illustration de Steinlen, pour qui la joie de la découverte remonte à mon enfance, chez mes grands-parents, avec certains numéros de « L’Assiette au Beurre », puis l’admiration,  avec la visite ultérieure de certain musée genevois alors à lui consacré .
RICTUS (J.).
Les Soliloques du pauvre. S. l., Chez l’auteur, 1897, in-8°, vélin, plats décorés d’une gouache originale de Théophile-Alexandre Steinlen, signée et datée « 09 », décor se poursuivant au dos, couverture, tranches dorées, chemise et étui gainés de veau beige (Noulhac – Steinlen 09). 
ÉDITION ORIGINALE du recueil poétique le plus connu de Jehan Rictus (1867-1833), poète et chansonnier, collaborateur du Chat Noir. 
Deux portraits de l’auteur par Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923) sur la couverture et en frontispice. 
Le nom de Steinlen est indissolublement lié à celui de Jean Rictus. 
Une intéressante reliure en vélin de Noulhac, peinte par Steinlen (technique mixte). 
Estimation : 5 000 / 6 000 €

Fiche détaillée
Quant à Jouas, ce merveilleux, et en même temps précis et exact dessinateur de nos vieilles pierres encore de son vivant non altérées par les guerres, pollutions et autres sinistres, je n’ai jamais su résister bien longtemps à la tentation d’acquérir les superbes exemplaires reliés contenant tant de magnifiques dessins originaux aux délicats coloris…
DUBOSQ (G.).
Rouen d’hier et d’aujourd’hui. Paris, A. Blaizot Éditeur, 1908, fort vol. in-8°, maroquin bleu, sur le premier plat, en pied, cathédrale de Rouen mosaïquée de maroquin havane de divers tons, dos à nerfs orné d’une pièce de maroquin figurant un dragon couronné daté 1601 (illustration de la p. 156), sur le second plat, au centre, pièces de maroquin de diverses couleurs figurant le port et le pont transbordeur de Rouen, doublure de maroquin terre de Sienne, à décor floral mosaïqué, gardes de tabis havane, couverture et dos, tranches dorées sur témoins, étui gainé de même maroquin (P. Affolter J. Augoyat Sr). 
Préface de Léon Hennique (1850-1935). 
Illustrations de Charles Jouas (1866-1942) gravées sur bois par Eugène Dété (1848-1922). 
Exemplaire de collaborateur, imprimé sur vélin et enrichi par Charles Jouas pour son ami collectionneur Jean Augoyat (?-1931).
Estimation : 2 500 / 3 500 €

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HUYSMANS (J.-K.).
Le Quartier Notre-Dame… Paris, Librairie de la Collection des Dix. A. Romagnol, 1905, grand in-8°, maroquin rouge sang, frise d’arcatures à clefs pendantes dorées autour des plats, dos à nerfs orné, doublure de maroquin bleu sertie d’un jeu de filets et ornée d’un décor à répétition de quadrilobes, l’ensemble doré, gardes de tabis prune, couverture illustrée, chemise gainée de maroquin rouge sang, sur le premier plat un cuivre enchâssé, étui gainé de même (E. & A. Maylander). 
De la collection de l’Académie des Goncourt. 
Première édition séparée. 

30 eaux-fortes originales de Charles Jouas (1866-1942) 
Exemplaire luxueusement relié par Émile et André Maylander. 
Estimation : 3 500 / 4 500 €

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De Lepère, ce génial aquafortiste , à l’instar de mon cher Félix Buhot, j’affectionne au-delà du raisonnable, toutes ses  vues et dessins de nos foires et de nos marchés normands, tous croqués sur le vif, sur le terrain, guidé-là par le propre auteur du texte à imager : j’ai ainsi pu réunir l’exemplaire du livre-témoin ayant appartenu à sa Société éditrice, la masse quasi-complète des desssins originaux et des correspondances relatives à toute l’élaboration de l’ouvrage qu’avait conservée Lepère, enfin un bel exemplaire enrichi d’une superbe aquarelle du même Lepère bien sûr.
LEPÈRE (A.).
Croquis, dessins et correspondances relatifs à la préparation de Foires et marchés normands de Joseph L’Hopital. [1895-1898], in-4°, maroquin aubergine, sur les plats décor mosaïqué de bandes de maroquin gris assemblées formant encadrement, dos à nerfs orné de même, bordure de maroquin aubergine sertie de mêmes pièces de maroquin gris, doublure et gardes de soie moirée marron, tranches dorées, étui gainé de même maroquin (Gruel). 
Important recueil de dessins et documents relatifs à la genèse du livre de Joseph L’Hopital (1854-1930), Foires et marchés normands, publié en 1898 par la Société normande du livre, pour lequel Auguste Lepère (1849-1918) donna 47 eaux-fortes, ainsi que les 31 bois des lettrines et ornements typographiques accompagnant le texte. 
Estimation : 3 500 / 4 500 €

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Pour le sourire, je note aussi qu’aux côtés des ouvrages de ce fervent amoureux des chats que fut Steinlen, je n’avais pas hésité à ranger plusieurs de ces livres si joliment et délicatement illustrés cette fois par le « Raphaël des oiseaux » , Hector Giacomelli, toujours en toute pacifique coexistence !
THEURIET (A.).
Sous bois. Paris, L. Conquet – G. Charpentier, 1883, in-8° cavalier, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos à nerfs orné d’un fer à l’oiseau plusieurs fois répété, roulette intérieure dorée, couverture et dos, tranches dorées, étui gainé de même peau (Reymann). Préface de Jules Clarétie. 
81 compositions d’Hector Giacomelli (1822-1904), gravées sur bois par Berveiller, Froment, Méaulle et Rouget. 
L’un des 75 exemplaires sur chine ou japon, numérotés 76 à 150 ; celui-ci est sur chine. 
Estimation : 1 000 / 1 500 € 

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Enfin, à l’appui de  mes propos touchant à la « symbiose écrivain-illustrateur » cette démonstration irréfutable en un seul petit, tout petit, carré de papier pelure, voulue par cet extraordinaire dandy surdoué que fut Robert de Montesquiou : en tête de son exemplaire personnel de ses « Prières de Tous », ne prit-il pas grand soin de faire apposer par Meunier,  son relieur préféré, seulement, parmi d’autres à sa disposition, ce minuscule dessin à l’encre de chine signé de Madeleine Lemaire, par ailleurs illustratrice des  « Plaisirs et les Jours » de Marcel Proust  débutant : un fin dessin, quintessence allégorique de l’écrivain matériellement suggéré par les nécessaires instruments de son expression : tout simplement, du moins en ces temps passés,…une plume dans son encrier.
MONTESQUIOU (R. de).
Prières de tous. Paris, Maison du Livre, 1902, in-4°, veau marbré, sur les plats décor poussé à froid prolongeant les nerfs, dos à nerfs orné, doublure ornée d’un décor floral à répétition mosaïqué de veau de différentes teintes, couverture et dos, tranches dorées, étui gainé de même peau (Ch. Meunier. 1903). 
ÉDITION ORIGINALE de ce chapelet rythmique de quatre-vingts poèmes en forme de prière. 
Vignettes emblématiques et encadrements floraux de Madeleine Lemaire (1845-1928), l’ensemble gravé sur bois et tiré en noir. 
Estimation : 1 000 / 1 500 €

Fiche détaillée

Et c’est ainsi, comme aurait pu l’écrire Alexandre Vialatte, « que le bibliophile est justifié ».

COLLECTION D’ORFEVRERIE 
« Défense et Illustration du Goût pour l’Orfévrerie française des XVIIe et XVIIIe siècles »

Pourquoi collectionner spécifiquement l’orfèvrerie, et française, et de ces deux siècles passés ?
Mes réponses sont multiples, et cumulatives.

Il y a tout d’abord la beauté intrinsèque, à l’œil et au toucher, de la matière brillante dans la lumière.  Puis les formes de ces objets la plupart du temps voulus pour un usage courant parvenant grâce à l’art de leur créateur à évoquer en leurs quelques centimètres de métal tout le goût et les styles successifs de siècles d’or français pour la beauté et l’élégance. Depuis les épures, angles et lignes droites, marquées des rigueurs d’esprit d’orfèvres souvent huguenots jusqu’à l’apparition dès le règne de Louis XVI, de motifs d’inspiration antique, egyptiens, grecs, romains, une fois passées de modes les splendeurs de la rocaille et de l’asymétrie du temps de Louis XV.  Tout cela illustrés dans un simple crémier à côtes torses éxecuté à Paris en 1737, aussi bien que dans une écuelle à bouillon rouennaise de la fin du règne de Louis XIV (1713), ou encore ce confiturier fortement égyptiannisant, Paris, 1787, dix ans avant le Retour d’Egypte de Bonaparte !


 
Écuelle couverte en argent uni. Le couvercle souligné d’une moulure de godrons, la doucine  filetée. La prise en forme d’anneau articulé sur tertre de forme rectangulaire godronné. Le corps uni, les oreilles à décor de coquille en applique et rinceaux gravés sur fond amati.
Rouen, 1713 (lettre Z).
Maître-Orfèvre : Michel I Clavier.
Longueur aux anses : 31,4 cm
Diamètre : 17,5 cm - Poids : 678 g
Provenance : Ancienne collection METAIS.
Bibliographie : Reproduit dans l’ouvrage de Claude Gérard Cassan, les orfèvres de la Normandie (page 198).
Estimation : 6 000 / 10 000 €

Ces quelques dates précisées ci-dessus sont pour beaucoup dans l’attrait de la collection d’objets d’orfèvrerie de l’Ancien Régime. Elles présentent cette circonstance unique pour les objets d’art de ces temps : l’insculpation, à l’origine à des fins fiscale, de contrôle de qualité et de perception de droits, de poinçons, en des endroits précisément réglementés. Ces éléments permettent de nos jours de tout ou presque connaître de la pièce : le nom de son auteur, le lieu et l’année de son exécution et souvent, de surcroît, par une inscription nominative ou des armoiries gravées, l’identité de son commanditaire. Connaissance rendue encore plus aisée ces dernières années par la publication de catalogues d’expositions ou de collections de certains musées au fait de l’intense valeur patrimoniale de ces beaux objets, ainsi que de magnifiques monographies régionales, la plupart publiées avec bonheur par les « éditions du patrimoine » dans les désormais indispensables « cahiers du patrimoine ». Sans omettre bien sûr pour ma chère Normandie l’ouvrage fondamental de Cassan et celui pour Bordeaux et sa région de Clarke de Dromantin.  

C’est ainsi que, muni de toutes ces données, il est permis de progresser encore par soi-même, de comprendre par exemple pourquoi Bon Vittrel, un gros-marchand drapier de Cherbourg, certainement mû par ses accointances religieuses et philosophiques, va faire façonner son argenterie domestique par le protestant et libre-penseur Daniel –Toussaint Desmares , à vingt lieues et plus de son domicile, alors que dix fois moins loin, à Valognes, est établi le non moins talentueux orfèvre qu’est Hugues Le Forestier, mais de bord philosophique très différent…
Écuelle couverte en argent. Le corps uni gravé « BON VITTREL » présente deux oreilles à contours soulignées de volutes et coquille rocaille. Le couvercle à doucine ciselé de frises feuillagées et cartouches coquille. La graine figurant une grenade.
Caen, 1773 -1774 (lettre O).
Maître-Orfèvre : Daniel-Toussaint Desmares reçu en 1765.
Longueur aux oreilles : 31 cm - Poids : 838 g
Bon Vittrel, négociant, né en 1742 à Cherbourg. En 1774 il épouse Marie Jeanne Françoise Le TOUZE.
Cette écuelle est la seule connue pour la ville de Caen à ce jour.
Estimation : 4 000 / 6 000 €

Ce qui m’amène à rappeler que dans maintes grandes et petites villes du royaume étaient établis à demeure des communautés d’orfèvres souvent fort prospères, aptes à satisfaire aux besoins de la clientèle locale, nobles et non-nobles dès lors que, négociants ou propriétaires-fonciers par exemple, jouissant d’une certaine aisance. C’est sans doute la présence de riches armateurs à Granville qui déterminera le parisien Fontaine élève du grand orfèvre Balzac, à venir s’y établir hors communauté, donc en maître–abonné, ce qui me vaudra un jour d’acquérir, venant de la collection Cassan, les seules pièces d’orfèvrerie civile à ce jour répertoriées pour cette ville et par cet orfèvre, une originale timbale et une paire de flambeaux commandée par un haut-fonctionnaire local.


Timbale en argent uni posant sur un piédouche à contours. Le col fileté et gravé « J.CHAMPION ». 
Granville, vers 1749-176.
Maître-Orfèvre : Antoine Fontaine (reçu en 1749, décède en 1761) formé
auprès de Thomas Germain à Paris.
Hauteur : 9,5 cm - Poids : 120 g 
Ancienne Collection Claude CASSAN.
Estimation : 1 500 / 2 000 €

Paire de flambeaux en argent uni à moulures et côtes pincées, posant sur une base ronde à contours marquée « Fois DOUILLON ».
Granville, vers 1749-1761.
Maître-Orfèvre : Antoine Fontaine (reçu en 1749, décède en 1761) formé auprès de Thomas Germain à Paris.
Hauteur : 25 cm - Poids : 818 g
Ancienne Collection Claude CASSAN, reproduit dans « Les Orfèvres de la Normandie », Claude Gérard CASSAN (page 90).
Estimation : 5 000 / 7 000 €

La lecture d’une inscription » I.I..Taillasson », c’est-à-dire Jean-Joseph Taillasson, le nom du célèbre peintre bordelais, sur le pourtour d’un tastevin « ombilic » de Bordeaux, mais un objet datable de 1722 par sa lettre-poinçon d’année  pouvait d’autre part me poser problème car antérieur de beaucoup à l’année de naissance  du grand artiste ; la solution fut assez rapidement trouvée :le »I.I » du tastevin n’était autre que Jean-Joseph Taillasson, viticulteur à Blaye intra-muros, le père du peintre homonyme, et bien entendu, lui-même fils d’un Taillasson également prénommé Jean-Joseph.


Goûte vin en argent uni à ombilic posant sur une petite bâte filetée, marqué sous le pied « I.I.TAILLASSON ».
Bordeaux, 1722-1723 (lettre C).
Maître-Orfèvre : Gabriel Carriere reçu en 1714.
Poids : 95 g 
Estimation : 
Jean Joseph TAILLASSON, viticulteur à BLAYE (1713- 1779), fils de Jean-Joseph TAILLASSON bourgeois de Blaye et père de Jean Joseph TAILLASSON (1745-1809) peintre, illustrateur et critique d’art français, prix de Rome en 1769.
Estimation : 1 500 / 2 500 €

Autre télescopage curieux de la petite et de la grande Histoire par le biais des poinçons, rappelant à eux seuls les affres de la Terreur des années 1793-1794 : j’ai autrefois acheté une paire de flambeaux dont les poinçons régulièrement apposés sous le fût avaient été partiellement ou totalement biffés, une inscription « RF » pour République Française, simultanément ajoutée .Un prudent iconoclaste de ces temps troublés où détenir des objets portant les marques de la Tyrannie capétienne faisait encourir rien moins que la peine de mort, avait en effet soigneusement gratté les couronnes dessinées au sommet des lettres tant  de communauté que d’année ,et, pour bien faire, le poinçon également surmonté d’une couronne de l’orfèvre. Heureusement pour la postérité et le collectionneur , notre prudent vandale avait oublié ou ignoré que le règlement édictait aussi une insculpation de poinçons pour ce type d’objets à l’intérieur des binets, avant moulage : sous les restes de cire qui les occultait alors certainement, un rapide nettoyage lui aurait permis, ainsi qu’ à moi deux cents ans plus tard, de découvrir,  comme à l’état neuf la marque de Daniel Saint adornée de la belle tête de licorne du blason de Saint-Lô, outre un « T »couronné à cheval sur les années 1714-1715.


Paire de flambeaux en argent fondu, modèle à pans posant sur une base octogonale moulurée à doucine.
Saint-Lô, vers 1714-1715 (lettre T lisible sur un).
Maître-Orfèvre : Denis I Saint (avant 1700-1730).
Hauteur : 21 cm - Poids : 770 g
Les poinçons de Maître-Orfèvre et de communauté ont été biffés sous la base probablement pendant les années de Terreur Révolutionnaire, ces poinçons étant surmontées d’une couronne symbole du pouvoir royal. Cependant les poinçons du Maître- Orfèvre : Denis Saint (DS sous une licorne couronnée). ont été préservé et restent visible dans les binets.
Ancienne collection METAIS, Bayeux.
Estimation : 2 500 / 3 500 €

Petit récit qui me conduit à donner maintenant une autre de mes clefs de collectionneur : la recherche assidue, constante, de l’objet pour moi et beaucoup d’autres, beau et rare, deux qualités fréquemment rencontrées en orfèvrerie, surtout de l’Ancien Régime ; il se dit que seulement environ 1% de ces pièces ont survécu aux fontes forcées, dès Louis XIV en personne jusqu’à la Révolution, sans compter de nos jours les ilotes spéculateurs sur le cours de l’argent-métal. Ajoutons à cela les massives et aveugles destructions dans nombre de villes martyres, Caen, Avranches, Saint-Lô, Coutances, Falaise, Valognes, Le Havre, Rouen, etc, et l’on aura une juste idée de la raréfaction de l’ancienne production notamment d’excellents maître-orfèvres normands.


Tasse à vin en argent uni, bordé d’un filet, marqué « Ct.TANCREL ». L’anse anneau à appui pouce
découpé décoré d’un amour ailé désignant le portrait d’une jeune femme et marqué « JE LE PORTE PAR TOUT ».
Fécamp, vers 1755-57.
Maître-Orfèvre : F.R.G répertorié et reproduit, mais non identifié dans l’ouvrage de J.C Cassan (page 148).
Poids : 133 g
Estimation : 1 500 / 3 000 €


Tasse à vin en argent uni marqué « R.F.HERBERT BIONNIERE ». L’anse anneau à appui pouce découpé et gravé d’un gentilhomme tenant bouteille et verre de vin, portant l’inscription « Sa couleur me ravi ».
Falaise, 1757-1760 (lettre C).
Maître-Orfèvre : Fiacre Gilles Le Francois (reçu en 1755).
Poids : 119 g 
Estimation : 1 500 / 3 000 €

La spécificité régionale que j’évoque ci-dessus se rencontre par exemple pour les tasses à vin et les tastevins, l’ombilic de Bordeaux ne ressemblant guère à la tasse à oreille à devise normande ni au petit « enroulé » de Mâcon ou d’Orléans, ou encore la jolie fleur-de-lys pictavo-charentaise, étant souligné au passage, une fois de plus, que la lecture du texte des devises gravées en Haute comme en Basse-Normandie, alors aussi pays de vignobles, tel que fréquemment « Vive le bon vin » « Vive le raisin » « Le vin et l’amour » « J’aime le bon vin »  etc, sans que quiconque n’ait eu sous les yeux un « Vive la Pomme » ou « J’aime le Cidre »,devrait à jamais condamner l’usage de l’appellation imaginaire de « goûte-cidre », parfois utilisée.


Tasse à vin en argent à ombilic, cupules et frises de perles, gravée «J.B.REGNIER». L’anse filetée à enroulement.
Mâcon, vers 1770 (lettre G).
Maître-Orfèvre : Joachim Violette (1749-1781).
Poids : 85 g 
Ancienne collection Solange et Georges Delauney.
Estimation : 400 / 600 €

Tasse à vin en argent décorée en repoussé de pampres, gravée «PIERRE DUBOIS ». L’anse filetée à enroulement.
Orléans, 1768 (lettre G).
Maître-Orfèvre : Pierre IX Hanappier (1706-1777).
Poids : 63 g 
Estimation : 400 / 600 €

Précisons aussi, en matière de typologie, que si assez fréquemment les modèles parisien sont repris par les orfèvres de province, ceux-ci en font parfois une amusante adaptation locale : ainsi de certaine théière de Bordeaux sur laquelle dans les années 1760, Gabriel Mestre fils s’amuse à ciseler, au milieu de roseaux, quelques animaux visiblement de bord d’eau ! Et aussi qu’avant le triomphe de l’ombilic local, les Bordelais dégustèrent de leur vin avec des tasses « anse coquille » et « anse serpent » comme en France entière. 


Théière en argent uni posant sur un piédouche, souligné de frise de vagues. Le col ciselé d’une guirlande de laurier. Le versoir tête de canard entouré d’un décor gravé de roseaux et d’animaux aquatiques en repoussé.
La graine figurant une fleur sur un tertre fleuri et feuillagé. L’appui-pouce coquille. L’anse en bois noirci.
Bordeaux, 1783-1784 (lettre G).
Maître-Orfèvre : Gabriel Mestre, Fils (reçu en 1762).
Hauteur : 21 cm - Poids brut : 765 g 
Bibliographie : Modèle rare par son décor, à rapprocher de celui reproduit dans l’ouvrage de Jean et Jacques CLARKE DROMANTIN, les Orfèvres de Bordeaux, page 224 (N ° p124f) conservé dans les collections du Musée des Arts décoratifs de Bordeaux.
Estimation : 6 000 / 8 000 €

Et enfin, toujours pour l’amusement, car bien collectionner, c’est aussi et avant tout bien s’amuser, ne manquons pas de regarder les becs-verseurs de nos chocolatières, théières verseuses et autres petites « égoïstes », au XVIIIe siècle et encore de nos jours, elles nous parlent, nous sourient, de face et de profil, franchement ou d’un petit air pincé, mais toujours avec esprit, comme l’avait voulu l’artisan qui les façonna. C’est en tout cas l’un des enseignements plaisants qu’une mère attentive collectionneuse donnait à son alors jeune fils.
 
VENTE AUX ENCHÈRES - Drouot Richelieu - Salles 5 et 6
Mercredi 23 octobre à 13h30 : Livres et orfévrerie
Jeudi 24 octobre à 13h30 : Art Nouveau, Art Déco, Céramiques, Mobilier et Objets d’Art, instruments scientifiques
Vendredi 25 octobre à 13h30 : Dessins et tableaux anciens et modernes 

EXPOSITIONS PUBLIQUES :
Mardi 22 octobre de 11h à 18h 
Mercredi 23 octobre, jeudi 24 octobre, vendredi 25 octobre de 11h à 12h

EXPERTS : 
LIVRES ANCIENS ET MODERNES : LIBRAIRIE LARDANCHET - Bertrand MEAUDRE , expert
ORFÈVRERIE : La SC Émeric & Stephen PORTIER - Émeric PORTIER, expert joaillier
MEUBLES et OBJETS d’ART : Jacques BACOT et Hugues de LENCQUESAING
DESSINS et TABLEAUX : Gérard AUGUIER Srls et Amaury de LOUVENCOURT et Agnès SEVESTRE-BARBÉ
CÉRAMIQUES : MICHEL VANDERMEERSCH
ART NOUVEAU-ART DÉCO : Jean-Marc MAURY